DIAMANT NOIR

Ce premier long métrage d’Arthur Hariri sous des airs de polar inscrit la tragédie familiale sur fond de cambriolage.

DIAMANT NOIR 2

Le premier plan du film montre un œil fermé qui s’ouvre par la suite sur une larme qui en brouille la vision. Pas de plus belle annonce pour un polar que de s’inscrire sous le signe de la vue car selon les règles du genre il vaut mieux ne pas être myope pour s’orienter et débrouiller les fils de l’intrigue. Ici donc, tout commence à l’envers, on y voit plutôt mal que bien, la mise en scène insistant très précisément sur cette déficience oculaire. Une carence rédhibitoire dans le milieu des diamantaires d’Anvers où se passe la majeure partie de l’action. En effet, pas de pierre précieuse sans quelqu’un qui sache la regarder et la travailler. Au passage remarquons que la transparence du diamant, on parle alors de son eau, entretient quelques affinités avec la larme du début. Le scénario accumule à plaisir ces analogies que l’on déguste avec gourmandise en attendant le morceau de choix. Et sans crier gare, le voilà. On assiste à l’accident qui va précipiter les choses. Flash back. Une séance de taille de pierre précieuse tourne au drame gore. L’un des deux frères de la société Ulmann d’Anvers s’écroule à terre les doigts en sang arrachés par le tour. Pier, le troublant Niels Schneider, fils de la victime qui survit à Paris d’appartements repeints en petits larcins croit dur comme fer à la culpabilité de son oncle d’autant plus que son père lâché par les siens finit misérablement ses jours sur un trottoir la capitale. On l’enterre à l’instant où nous ouvrons vraiment les yeux sur les débuts de cette histoire qui, à l’occasion des funérailles, réunit Pier à la famille venue de Belgique. La machine est en marche, le conflit s’amorce. Pas facile ce clan dirigé par l’oncle Joseph, une figure de patriarche revêche magistralement interprété par Hans-Peter Cloos, qui impose son autorité à son fils, sa belle fille, et sa femme. S’y rajoute même une tension supplémentaire car Pier invité à rejoindre Anvers pour rénover les bureaux de la firme va s’immiscer dans la tribu avec ses désirs de vengeance. Le ver est dans le fruit.

DIAMANT NOIR 3

Inquiétant Pier Ulman, on se demande toujours sur ce quel pied danser avec lui. Au fur et à mesure qu’il progresse dans ses relations anversoises, il prépare avec Rachid, son gourou de cambriole, le vol des diamants de l’atelier. Un parallèle stimulant parce que l’arnaque doit être au moins aussi brillante que le butin convoité. Et tour de vis additionnel l’apprenti voleur devient au fil de son séjour membre de l’atelier de taille. Ce qui nous vaut quelques réflexions sur le cours du récit. Le diamant en effet ne rend tout son éclat singulier que s’il est façonné dans ses irrégularités, ses déviances et le film en regorge. Tout le monde ou presque dissimule un secret. Pier naturellement déguise la nature de ses ambitions, les anversois taisent l’épilepsie du fils, la mère plonge dans le silence et la belle fille harcelée par le nouveau venu hésite sur la conduite à tenir. Bref, ça tourne comme la chance ou le hasard, comme l’entreprise Ulmann prise dans le contexte tourmenté de l’économie mondiale, comme l’éventualité du braquage une fois reporté puis à nouveau enclenché. L’agilité du propos consiste justement à insérer ce coup de main dans les hésitations de Pier. Que veut-il ? Cherche t-il a réparer l’offense qui lui a été faite ? Est-il prêt à en payer le prix  et à engager ses complices sur le chemin des représailles ? Au nom de quoi s’agite t-il ? Paumé Pier aspire à la reconnaissance, il s’efforce de troquer un modèle paternel contre un autre. Rachid son père de substitution lui apporte un réconfort provisoire. Mais dépassé, ça va trop vite pour lui et tout l’intérêt du film c’est de manifester le doute qui le tiraille. Il arrêterait bien, on sent bien ce moment de bascule intérieure qu’il tait avant le top départ de l’attaque. On ne révèlera rien de la suite. Mais elle aussi surprenante que les facettes du diamant et ce premier long métrage un rien vénéneux ressemble à ce plan de la fin ou notre héros de retour à Paris contemple les rails, les aiguillages en effet y sont nombreux comme les fausses pistes. Que rêver de mieux puisque le polar les aime à la folie.

Bertrand RAISON

Diamant Noir

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