LOVIS CORINTH, FLIEDER IM KELCHGLAS

La notoriété suit d’étranges chemins. Prenez le cas du peintre Lovis Corinth (1858-1925), qui, fort reconnu en Allemagne, reste en France un (parfait ?) inconnu. Malheureusement nos voisins d’outre-Rhin ne bénéficient guère dans l’hexagone d’un régime de faveur. Il a fallu attendre une rétrospective de l’œuvre de Corinth au musée d’Orsay en 2008 pour que les projecteurs se tournent enfin vers lui. Ceux qui n’auraient pas eu la chance de le découvrir peuvent prendre le chemin de la galerie Karsten Greve qui présente une dizaine d’œuvres de l’artiste faisant partie de la collection du galeriste. L’exposition montre de manière saisissante le virage opéré par Corinth lors des dix dernières années de sa vie. Il abandonne en effet les thèmes symbolistes et narratifs qui avaient fait le succès considérable de celui qui fut l’un des acteurs proéminents de la Sécession berlinoise, bousculant de fond en comble, au tournant du XXe siècle, le conservatisme de son époque. Le lilas dans une coupe, Flieder im Kelchglas, huile sur carton de 1923, témoigne notamment de ce congé donné à la narration. Difficile, en effet, d’identifier ce bouquet qui n’obéit plus aux règles du réalisme en vigueur. Les fleurs bousculées, froissées ne répondent pas davantage aux critères convenus du naturalisme. Les tâches de couleur remplacent  les formes évanouies et  le volume du récipient s’affranchit de ses limites. Métamorphosée par la matière peinte, la surface tout entière ayant évacué la profondeur se met littéralement à fleurir. Le verre atteint par cette efflorescence se fait branche dans le miroitement des points blancs. Cette nature morte, mais peut-on encore l’apprécier sous cet angle, ressemble de plus en plus à une nature vive qui aurait balayé le sujet floral pour faire advenir la substance de la  seule peinture. La génération de l’après-guerre saura particulièrement méditer cette leçon inoubliable de liberté picturale comme le démontrent parfaitement les quelques lithographies de Willem de Kooning (1904-1997) présentées conjointement.

©BR Palacescope 12/21

Flieder im Kelchglas, 1923, huile sur carton, 73 x 48,2 cm

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