
Garry Winogrand (1928-1984) était doté d’une formidable curiosité. La photographie agissait comme une drogue dure, jamais assouvie. Tous les jours en campagne, appareil photographique au poing, il prenait ses photos comme un boxeur aux aguets. On disait qu’il était le photographe le plus rapide de sa génération, au point de, laisser derrière lui plus de 250.000 photos qu’il n’a jamais développées et dont nous commençons peu à peu à entrevoir la richesse. Prolifique, insatiable, en permanence sur le qui vive, ce New-Yorkais a guetté le chaos de la vie en sillonnant les Etats Unis. Plus qu’une esthétique, ses photos montrent un état de l’Amérique des années 60 aux années 80 bouleversée par les rites du succès et la désolation des périphéries urbaines. L’associer à la photographie de rue, à l’instar de Robert Frank ou de Lee Friedlander le faisait sursauter car l’étiquette juste bonne à attirer les gogos ne fournit aucune définition de son travail. D’autant plus qu’il répétait à qui voulait entendre ce bavard impénitent qu’une photographie au lieu de reproduire le réel le transformait à l’image du calembour qui détraque la logique habituelle. Pour preuve cette femme de la série Los Angeles qui tourne la tête à gauche à proximité d’un panneau interdisant aux automobilistes d’aller dans cette direction ou de faire demi tour. Elle a l’air affairé, prise de vertige, elle flotte et subitement nous ne savons plus ce que nous regardons, sommes nous attirés par la sensualité de cet égarement ou aimantés par l’inquiétude de l’effet Winogrand ?
B. RAISON
GARRY WINOGRAND Du 14 octobre au 8 février 2015 Jeu de Paume