FRIDA KAHLO /DIEGO RIVERA LA COLOMBE ET L’ÉLÉPHANT

« La colombe et l’éléphant », le père de Frida Kahlo (1907-1954) en apprenant le souhait de sa fille de se marier avec Diego Rivera (1887-1957) avait eu cette formule à l’emporte-pièce pour qualifier la rencontre hors du commun entre l’artiste mexicain célèbre pour ses peintures murales et Frida qui commençait tout juste à dessiner et à peindre. Dans le tourbillon des années révolutionnaires mexicaines, le couple allait devenir une légende à tel point que leur vie sera indissociable de leur art. Pour le meilleur et le pire, la passion avec ses gouffres et ses rivages solaires les accompagnera tout au long de leur chemin. Mariés, séparés et de nouveau réunis, l’éléphant avec un appétit d’ogre entretient de nombreuses liaisons tandis que Frida, victime d’un accident qui la laissera fracassée, la colonne vertébrale rompue, ne cesse de subir opération sur opération. Mais ces deux là sont assoiffés, ils ne peuvent se passer l’un de l’autre alors tant pis pour l’amour et le désespoir, ils travaillent comme des insensés dans le drame et le bonheur. Le Musée de l’Orangerie, en les  associant de nouveau, présente des aspects moins connus de leurs œuvres. Nouvelle confrontation qui permet de revisiter le mythe grâce aux prêts exceptionnels du Musée Dolores Olmedo à Mexico qui possède la plus importante collection Khalo/Rivera.

Inséparables certes mais très dissemblables, Diego Rivera, formé par ses voyages répétés en Europe, entre 1909 et 1920, regarde, dans l’éblouissement de Cézanne et du Cubisme,  les convulsions de l’Histoire, alors que Frida Kahlo, plus intériorisée arpente la biographie de son univers intérieur. Pourtant ce qui les rassemble profondément, c’est l’indianité, cette terre mexicaine dont ils réinventent avec ardeur le passé. Collectionneur féru d’art précolombien, Diego partage avec Frida cette vision du monde indien qui par son exubérance leur paraît comme la source fécondante de la vie et de la mort. Une manière aussi d’assimiler la cause indigène à la foi révolutionnaire et de s’éloigner des grands courants de la peinture occidentale ou tout au moins de les revisiter à travers les couleurs éclatantes d’un héritage mexicain recomposé. Bruit et fureur des danses, des ex-voto, des judas en papier mâché, des robes tour de Tehuana, tous ces éléments brassés dans une  luxuriance végétale irriguent  leurs créations. Avec Mi nana y yo, (ma nourrice et moi, 1937) Frida Kahlo reconfigure sa naissance dans les bras d’une idole préhispanique démesurée comme elle reconfigurera ce terrible jour qui la jeta en morceaux contre un tramway, La columna rota, (la colonne cassée, 1944). Mais si tous les deux se ressourcent dans l’imaginaire de cet Eden mexicain violent et multicolore, Frida loin de son compagnon ouvre son corps à l’examen de ses angoisses. C’est dans sa nuit qu’elle s’achemine, seule, abandonnée  dans la Maison Bleue de Coyoacàn rongée par son besoin d’absolu, par la nécessité d’être, envers et contre tout, aux côtés de Diego.

 

 

Bertrand Raison

Frida Kahlo / Diego Rivera  L’Art en fusion Musée de l’Orangerie 9 octobre 2013-13 janvier 2014

Palace Costes N°49 septembre-octobre 2013

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