Beaubourg souhaite la bienvenue à Jeff Koons, artiste américain qui, à 59 ans, domine la sphère médiatique du marché de l’art. Et c’est tant mieux, car, par le plus heureux des hasards de la programmation, on trouve, à la Monnaie de Paris, Paul McCarthy, un de ses compatriotes habile en provocation, malheureuse victime d’une agression pendant la FIAC ,et, au centre Pompidou, Marcel Duchamp, prince des sous-entendus, le père absolu de notre modernité. Le voilà donc en bonne compagnie, et, même si comparaison n’est pas raison, le visiteur aura au moins la possibilité de vérifier sur place la pertinence du lien qui, selon les professionnels de la profession, relie Duchamp à Koons en passant par Rauschenberg et Warhol. Cette première rétrospective en Europe est aussi l’occasion, selon Bernard Blistène, le directeur du musée et commissaire de l’exposition parisienne de se débarrasser des préjugés qui courent sur l’artiste. Il faut dire que le personnage a fait et fait toujours couler beaucoup d’encre. Un de ses « Balloon Dog », chien orange en acier inoxydable de 3 mètres de haut, a atteint aux enchères la somme record de 58 millions de dollars.
A la tête d’une entreprise qui emploie plus de cent personnes, celui qui fut le mari d’une star du porno italien, délègue l’exécution de ses pièces à ses nombreux assistants. Adulé ou vilipendé on en fait le (dernier) représentant idéal du néo pop et tout le monde sur ce point est d’accord. Remixant à volonté les icônes populaires des classes moyennes américaines, de Titi le canari à Popeye sans oublier les chromos publicitaire, il surfe sur la vague de la société de consommation posant ça et là le regard joyeux de sa prolifique production. Les œuvres de ce peintre sculpteur flirtent avec la monumentalité des chiens et des lapins XXL. Le monde entier connaît le chiot (Puppy, 1992) de 12 mètres de haut qui trône à l’entrée du musée de Bilbao. Couvert de 65000 fleurs constamment irriguées, l’acier du support se convertit à la vie. Une obsession inscrite dans toutes ces structures gonflables qui sont des métaphores de l’optimisme. « L’image la plus morbide que je connaisse -dit-il- est celle d’un objet gonflable qui s’est effondré. » Alors pour éviter tout affaissement inopiné, l’œuvre de Jeff Koons ne cesse de promouvoir un art gonflé.
Bertrand RAISON
Centre Pompidou, jusqu’au 27 avril 2015. Palace Costes, N° 55, nov-dec 2014