LA FÉERIE BASQUIAT

Une étoile filante, une météorite dans le ciel de l’histoire de l’art, voilà tel que nous apparaît Jean Michel Basquiat.  De 1977 à 1988, en une petite dizaine d’années, le graffiteur est passé de l’obscurité anonyme des murs de New-York à la plus éclatante des réussites. Dix ans, pour côtoyer les célébrités de l’époque d’Andy Warhol à Madonna et finir brutalement, à 27 ans, d’une overdose. Une vie accélérée, d’un musée l’autre, de capitale en capitale, brûlée entre la lumière de la reconnaissance et l’ombre de ses effrois. Voilà la légende, et comme toutes les légendes elle signale l’émergence d’une comète et sa fin hâtive mais passe finalement sous silence l’œuvre cachée sous le scintillement médiatique. Aussi faut-il rendre grâce au Musée d’Art Moderne qui, avec la Fondation Beyeler, présente la première rétrospective de cette ampleur consacrée à l’artiste.

 

C’est l’occasion ou jamais de se rendre compte de l’incandescence du parcours de JMB. Vitalité inouïe qui en l’espace de dix ans l’a incité à produire quelque 1000 tableaux et 2000 dessins.  L’exposition permet de réévaluer une démarche trop souvent réduite aux graffitis alors qu’elle s’avère ancrée dans la peinture et comme il le dit dans un entretien : C’est de la peinture, ça l’a toujours été, j’ai toujours peint, bien avant que la peinture soit à la mode. Déclaration d’importance dans un contexte où  l’art conceptuel et minimal dominent la scène artistique, et déclaration fracassante au regard de l’austérité esthétique de ces mouvements. La peinture soit, mais traversée par la rage et par la volonté de faire émerger l’homme noir, ses origines haïtiennes et portoricaines dans un monde saturé par les représentations de l’homme blanc. Basquiat le nègre de la peinture celui qui virevolte à toute allure entre l’image que les medias lui prêtent et sa propre image. Slave Auction  (enchère esclave), un tableau de 1982, serait le bon exemple à prendre de tension entre l’identité de l’artiste et la société. La traduction déjà nous oriente vers un autre marché, mais voilà cela reste esquissé Basquiat est déjà loin, l’ange a d’autres tours dans son sac. Notamment celui-ci qui revient avec insistance, le masque et la denture. Trait saillant de son regard anatomique qui nous enveloppe et nous montre les différents soubresauts d’une féerie noire et blanche.

 

Bertrand RAISON  PALACE N° 32 octobre- novembre 2010

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s