GERHARD RICHTER


 Après Londres et Berlin, Paris accueille la rétrospective thématique et chronologique des cinquante ans de peinture de Gerhard Richter. Panorama fastueux, car les 160 œuvres sélectionnées retracent l’itinéraire fertile en rebondissements d’un artiste qui fête cette année ses quatre-vingts ans et dont la côte sur le marché de l’art atteint aujourd’hui des sommets. Né à Dresde, en 1932, le peintre fuit vers Allemagne de l’Ouest au début des années 60 et ne va pas cesser de déconcerter ses contemporains. Surprise qu’il n’hésite pas attribuer à une liberté parfaitement assumée. Je n’obéis –dit-il– à aucun système, à aucune tendance, je n’ai ni programme, ni style, ni prétention. J’aime l’incertitude, l’infini et l’insécurité permanente.

Afin de cerner au mieux sa démarche, l’exposition interroge le dispositif qui, depuis le début, le fascine, à savoir, cette exploration de l’acte de voir qui sera sans arrêt reprise. Le Centre Pompidou rassemble les photos peintures du début, des paysages, des portraits, des grandes toiles abstraites et des sculptures de verre. Autant de chapitres de l’oeuvre que l’on pourrait considérer comme des étapes successives indépendantes des unes des autres. Or, le fil suivi avec patience ne revient pas à opposer la figuration à l’abstraction, car tout fait figure puisque rien d’autre ne compte que la lente éclosion de la vision. C’est pourquoi tout nous parvient estompé.  Les nuages, la mer, la flamme d’une bougie, la campagne aux environs de Chinon, une femme sur les marches d’un escalier, nous les percevons comme des images tremblées, bougées, prises pour ainsi dire dans leur défaillance. Tremblement que l’on retrouve dans la suite consacrée à la mort des terroristes allemands du groupe Baader-Meinhof, notamment ce portrait de Gudrun Ensslin (Confrontation 3, 1988) ensevelie dans l’ombre ambigüe de son sourire. Il en est de même de ces grands panneaux de verre gris émaillé (Huit gris, 2002), montrés à Dusseldorf, en 2005, qui, selon l’angle sous lequel on les regarde, se transforment en miroir reflétant aussi bien la silhouette du visiteur de passage que l’espace environnant. Le jeu de ces reflets produit cette instabilité sourde à l’exemple de cet Iceberg dans la brume (1982) qui, flottant entre ciel et mer, perturbe la ligne d’horizon. La vibration qui émane de ces toiles est une manière semble-t-il de lutter contre la virtuosité. Ce qui n’est pas sans rappeler les grands coups de racloir que Richter passe sur ses toiles abstraites dans le but de mélanger les matières et les couleurs donnant ainsi une forme au hasard. Hasard qui n’a rien de formel puisque le mettre à son service, c’est avoir la possibilité de mieux de mieux accueillir les choses et les êtres. A cet égard, le portrait de sa fille Betty (1988) vue de dos serait la métaphore d’une profonde tendresse inséparable de cet éloignement nécessaire qui favorise la lenteur du regard.

PALACE Costes N°41 avril-mai 2012

Bertrand Raison

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